L'homosexualité en milieu carcéral - Partie 1

29/05/2020

Pour freiner la propagation du Coronavirus, le monde carcéral s'est vu dans l'obligation de fermer les espaces de cohabitation et d'interdire l'accès aux parloirs familiaux et conjugaux. Selon les équipes chargées du maintien de l'ordre, « la fermeture des parloirs n'est pas une mesure punitive mais elle est liée aux mesures de confinement (..) »

La réaction des détenus a été vive : ils se sont retrouvés privés de leurs familles mais aussi d'attention, d'amour et de sexualité. La question de l'abstinence sexuelle ne remonte cependant pas à l'épidémie. Tous s'accordent pour affirmer que la vie affective et sexuelle est une composante essentielle de l'équilibre de tout être humain.

Théoriquement, la prison est un espace sans sexe, et sa pratique est formellement interdite. Dans le courant des années 40, des travaux ont émergé sur la sexualité en prison faisant transparaitre une toute autre vérité : Le sexe est pourtant omniprésent dans l'espace carcéral. Les études ont montré une pratique différente, celle de la sexualité dite de « substitution », comprenant la pornographie, la masturbation et l'homosexualité. Le voile est alors levé sur une recrudescence de violences sexuelles entre les détenus. Toutefois, le peu de travaux effectués sur la question traduit l'omerta ancrée dans la société française même si l'homosexualité carcérale suscite de plus en plus d'intérêt.

Une « désexualisation » qui accentue la violence pénitentiaire

Les UVF

Depuis 2003, le maintien de la vie sexuelle en prison est favorisé par les UVF, Unités de Vie Familiale, premiers lieux non surveillés. En France, seulement 36 établissements pénitentiaires sur 188 en sont équipés. Toutefois, ces unités de rencontre sont d'abord créées dans un but de réinsertion et de réunification familiale, la dimension sexuelle n'est alors que sous-jacente. On comprend alors que la sexualité est sous-considérée par l'Etat et les pouvoirs publics, qui entendent prioriser la dimension familiale, au détriment du désir.

Des accords, rarement accordés, sont nécessaires pour accéder aux UVF et ne doivent pas excéder 72 heures. Selon Cécile Rambourg, enseignant-chercheur à l'école nationale d'administration pénitentiaire, l'UVF permet pourtant une « libération du corps ».

Une sexualité volée

Mais qu'en est-il des établissements ne disposant pas d'UVF ? Dans ce cas, les incarcérés se livrent à des pratiques sexuelles réalisées à l'abri des regards. Ces relations ne peuvent être que volées. En cas de rapports intimes au parloir, les détenus sont sanctionnés : absence de réduction de peine, ou encore interdiction de visites pendant quelques mois.

L'association « Prison Insider », défenseuse des droits fondamentaux des personnes incarcérées dont le siège est à Lyon, interrogée pour ce dossier documentaire, se bat quotidiennement pour une considération des détenu(e)s et pour lever le voile sur ce genre de pratiques. « C'est inadmissible, nous dit l'intervenante, cela crée obligatoirement des déviances psychologiques chez les prisonniers, pouvant aller jusqu'aux troubles de l'identité. »

Exacerbation de la violence carcérale

Cette limitation à l'accès à la sexualité accentuerait l'agressivité des détenus et infantiliserait l'individu, créant chez lui des déviances psychologiques. C'est ce que rappelle Jacques Lesage de la Haye, ancien détenu devenu psychologue et psychothérapeute. En effet, l'être aimé dont le prisonnier a été privé va provoquer chez ce dernier, frustration et désir de vengeance, engendrant un « comportement sexuel agressif voire sadique ».

Au-delà d'une privation de liberté, il s'agit ici d'une réelle intrusion au cœur même de la vie intime des prisonniers, déjà dépouillés de leur identité à l'entrée en prison (fouille anale, dépossession des vêtements et effets personnels...). Selon certains travaux, autoriser des rapports sexuels en prison déboucherait sur une diminution de la violence. Au regard des différents ateliers mis en place, comme celui de la confection de masques à la prison de Val-de-Reuil, faciliter la réinsertion professionnelle devrait s'accompagner d'une réinsertion sexuelle. La prison, par le biais d'un enfermement continu, génère un certain nombre d'effets pervers, et ce également sur la sexualité des incarcéré(e)s et leurs conjoints, qui se manifestent sous forme d'aménorrhée ou bien peine à l'érection et à l'éjaculation. Ces constats ont été formulés par les travaux de Ricordeau en 2008.


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