Déconfinement en Ehpad : l’heure de la réhumanisation

10/12/2020

Lors de l'annonce de ce deuxième confinement, la stratégie à suivre s'est, cette fois-ci, davantage tournée vers le bien-être et la condition des personnes âgées. Mais qu'en est-il réellement de la situation de nos anciens confinés dans les établissements de soins spécialisés ? 

Les annonces du samedi 12 décembre devraient permettre aux personnes âgées de passer des moments avec leur famille pour les fêtes de fin d'année. Photo : Jade Sauvée


A travers un documentaire touchant et intime, diffusé mercredi 9 décembre sur LCP, le comédien Elie Semoun rend hommage à « son vieux », Paul, atteint de la maladie d'Alzheimer.

Si, en tant que téléspectateurs, nous n'assistons pas aux derniers mois difficiles pour Paul Semoun, les images retracent des moments de vie partagés en famille, avant que son père ne soit installé en Ephad début 2020. Il est décédé en septembre. Le comédien annonce alors le 24 septembre dernier sur Twitter : « Le confinement a tué mon père », et pose ainsi le doigt sur la problématique des visites, lors des moments confinés.

Les Ehpad, premiers établissements touchés par le virus

Si les Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes sont les premiers visés par la solitude, ils sont aussi fortement touchés par le Coronavirus depuis le début de l'épidémie. Ce public vulnérable doublement impacté est l'un des enjeux majeurs de ce deuxième confinement, au vue des chiffres des mois précédents. Le décompte des personnes âgées en Ehpad se fait de manière indépendante, les établissements sont tenus de faire remonter l'information auprès de Santé Publique France.

Au 24 novembre et depuis le début de l'épidémie, les décès liés au Covid-19, représentent près d'un quart des morts, soit plus de 15 800 des 50 000 décès comptabilisés par Santé publique France. Il faut également ajouter 6 200 patients décédés à l'hôpital mais qui vivaient en Ehpad au moment de leur contamination. Les personnes en établissements de soins représentent quatre décès sur dix du coronavirus.

Selon l'Institut national d'études démographiques (INED), les résidents d'Ephad ont été moins touchés par la deuxième vague : de mars à fin juillet, ils représentent 48 % des décès recensés, alors qu'ils ne sont plus que 34 % du total des morts survenues de début août à fin novembre. Ces données sont à prendre avec des pincettes, puisque les chiffres sont volatiles.

Les Ehpad sont également fortement touchés par la reproduction du virus et sont un lieu très favorable aux Clusters. Sur les 2 865 clusters en cours d'investigation, 1 226 se trouvent en Ehpad, mais ne s'accompagnent pas obligatoirement de vague de mortalité. 

« Il faut recréer du lien »

Privées de visites durant de longs mois, les personnes âgées en établissements de soin, Ehpad et hôpital, ont vécu les confinements différemment. Un droit de visite bafoué pourtant essentiel, qui a suscité beaucoup de colère et d'incompréhension pour les proches, qui pointent du doigt la mise en quarantaine forcée des personnes âgées. Pour Marie-Pierre Le Faucheur, 55 ans, il s'agit aujourd'hui de « recréer du lien avec nos ainés, qui ont été plongés dans une solitude qu'ils n'ont pas souhaitée ».

Lors de l'annonce présidentielle faite le 28 octobre dernier, annonçant le deuxième confinement, Emmanuel Macron visait à ne pas - ou ne plus - écarter les personnes âgées de la marche à suivre. Une annonce appréciée mais délicate, puisque ces personnes vulnérables ont été les premières à être atteintes d'isolement dû au confinement.

« C'est une atteinte à la liberté des personnes âgées et vulnérables qui n'ont plus d'armes pour se défendre. Tu as l'impression que tout est fait pour les couper du monde », témoigne Marie-Pierre, qui a vécu la situation avec sa maman, Yvonne, hospitalisée en soins intensifs au cours du deuxième confinement. La première volonté d'Yvonne lors de son réveil était de voir ses deux filles. Sa demande a été acceptée seulement trois semaines après, alors que son pronostic vital était engagé. « Je me souviens comme ma mère était heureuse de me voir, souligne Marie-Pierre. Elle a eu comme un regain d'énergie ».

Les dangers de l'isolement

Pour pallier le manque de visite, des rencontres virtuelles sont organisées en « visio », pour tenter de garder un lien affectif. Ce service n'est « pas proposé par l'hôpital », comme le rappelle Angélique H., interne en médecine dans les hôpitaux de l'AP-HP.

« Selon moi, il est indispensable d'être accompagné et d'avoir le droit de visiter, à tout âge de la vie, lors d'une hospitalisation qui est un moment difficile et une réelle épreuve. Ça l'est encore plus lorsque ce sont des personnes âgées. C'est un peu leur dernière chance de passer du temps avec leur proches. C'est essentiel pour le moral et cela impacte beaucoup sur la guérison, notamment en Ehpad où la notion du temps n'est pas toujours évidente à gérer ». Une mesure difficile à faire comprendre et entendre aux premiers concernés, les personnes âgées, qui pensent parfois que la famille les abandonne.

Pour Célia M., ce genre d'événements se produit quotidiennement puisqu'elle est aide-soignante à l'hôpital de Morlaix dans le Finistère.

« Des mesures drastiques ont été prises durant le premier confinement. Aucune visite n'était possible pour ces personnes âgées, certaines en fin de vie. C'était et c'est encore très paradoxal. On les protège d'une contamination potentielle mais dans le temps on les emmène vers le syndrome du glissement, de plus en plus récurrent depuis le premier confinement », souligne la jeune femme.

Ce syndrome, caractérisé par un changement de comportement soudain et dépressif chez les personnes âgées, une perte d'autonomie et donc un glissement vers la mort, est parfois surnommé de suicide inconscient. « Le nombre de morts de l'isolement et de la solitude seront sûrement aussi élevés que ceux morts de la Covid », ajoute l'aide-soignante.

Actuellement, dans certains services, les visites sont encore interdites, sauf « en cas de dérogation de la cheffe de service », annonce Angélique. Certains Ehpad autorisent depuis l'annonce du deuxième confinement les visites en cas de « motif familial impérieux », mais toujours en appliquant les gestes barrières et les distances sanitaires.

Un déconfinement sur mesure pour les Ehpad

Alors que les fêtes d'années approchent à grands pas, les Français se demandent s'ils pourront les célébrer avec les anciens. De nouveaux aménagement pour les fêtes vont mettre en place, comme l'a annoncé la Ministre chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, samedi 12 décembre dans un communiqué.

Les mots d'ordre pour les fêtes de fin d'année sont « Protéger sans isoler » les personnes vulnérables déjà très impactées par la solitude. Les sorties des résidents vont être facilitées à l'occasion de Noël et du nouvel an. Des mesures applicables du 15 décembre au 3 janvier prochain.

A leur retour, les résidents devront réaliser un test RT-PCR pour pouvoir entrer en Ehpad, et devront attendre sept jours avant de pouvoir participer à nouveau aux activités collectives proposées, elles aussi en plus grand nombre durant les fêtes.

Les règles concernant les visites aux résidents vont-elles aussi être allégées. La durée et le nombre de visiteurs vont être assouplis, afin de permettre de passer des fêtes « plus conviviales et de manière à normaliser le cas des personnes vulnérables, se réjouit Marie-Pierre. Il s'agit de reprendre en considération l'humaine condition, bafouée par la Covid-19 et les confinements successifs ». 


Jade Sauvée

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